lundi, décembre 25, 2006

L'accordeur d'écriture (rien du tout)


C'est maintenant clair: il m'est de plus en plus difficile d'écrire devant mon ordinateur. Je ne comprends pas pourquoi. Peut être ses ondes forment-elles un bouclier incompatible avec les miennes, ou mes pensées refusent-elles de s'accoupler avec un clavier trop lisse et impersonnel. Il est vrai que le crayon a plus de charme. Son contact est plus charnel, sa danse plus élégante et créative. On le choisit selon nos goûts, on mord dedans, on le taille avec nos ciseaux et nos rictus d'écritures. Le brouillon, notamment, est un paysage que ne comprendront jamais les sourires email diamant de l'ordinateur; un espace de jeu dont les formes se moquent bien de l'uniformité de l'écran. C'est peut être pour se venger de cette constatation que ce dernier se refuse à moi.

Enfin quoi qu'il en soit j'écris mieux dans les lieux qui ne sont pas fait pour ça. Dans les saunas, aux amants furtifs, aux mains fantômes et aux amours aquatiques. Sexe sous l'eau, sexe à trois, et même, rare étrangeté, sexe normal, moteur pour l'écriture. Dans les trams aussi, entre l'envol des regards furtifs, à laisser échapper entre les lignes, et les decrescendos des discussions du soir, aux fragments dont les vides enfanteront les regards du lendemain. Mais là où les mots me viennent le plus rapidement, c'est en boîte. J'aime particulièrement cet endroit, au Queen, où se retrouvent les trop bourrés, les dépressifs, les paumés qui avaient besoin de passer la nuit quelque part, ou ceux qui ont une overdose (très justifiable) de techno. Pendant que j'élaborais mon poème, un voisin s'est mis à me parler de sa mère, de ses petits déjeunés avec elle, de son journal intime. Il était plutôt mignon, et a passé la nuit à se chercher une fille -misère, quand tu nous tiens. La grande fille aux cheveux noirs, quant à elle, n'a toujours pas voulu danser; les gens l'abordaient non pas pour la draguer mais pour comprendre pourquoi elle glaçait la boîte. Peut être trouve-t-elle leurs pulsions de vie trop sûres d'elles. Les petits personnages dans la boîte, n'est-ce pas un semblant de vie, un mécanisme interne où il suffit de tourner les manivelles pour que les ficelles fassent leur travail? Cela se voit encore mieux d'en haut, fascinants mouvements de marionnettes dont ils sont eux même les accordeurs. Et pour l'écriture, qui donc est l'accordeur de l'écriture?

Manivelles aux effleurements

Chaque être est une ligne d'horizon. Qu'y a-t-il au delà?
Je lis entre elles et n'y vois rien. Rien que les résurrections hâtives d'un infini, mises en éveil par les effleurements de morts, qui font se tordre les lignes.
Lumières spasmodiques. Lumières charnelles. Poses outrées. Lumières pénètrent dans la poitrine, pour y renifler ses restes, cette odeur s'évaporant en électrochocs et en clair obscur, où chaque apparition de corps, révèle leur fin.



Si on me lit on me reprochera la répétition de "ligne d'horizon" dans mes textes (pour la dépasser?), mais quand il est 4 heure du mat on en est plus à ça près. De toute façon ce post est typique de ceux qui ne sont pas lu. J'aime bien écrire pour ne rien dire, ça me rassure, c'est là que je trouve que j'ai du talent. Alors que lorsque j'ai une théorie à défendre, je m'ennuie vite. Le rien, lui, ne m'ennui pas. Il me fait juste peur -peur surtout d'avoir à le remplir de façon pathologique plus tard, lors de ce moment fatal où la vieillesse ne trouve pas son compte en souvenirs nostalgiques, et qu'il ne reste que le regret. Il vaut mieux remplir le vide maintenant. Et c'est peut être cette perspective de vie comme ordre pressant qui me dérange, qui me bloque, presque. L'obligation du contacte avec autrui, par exemple, obligation de baiser. Alors qu'il n'y a pas moins séducteur que moi (lorsque j'étais encore vierge j'osais tout, maintenant je suis retourné aux regards fuyants et aux "je passe mon chemin"). Obligation de ces lieux pleins de vie, restaus bars grandes surfaces boîtes de nuit, lieux de marionnettes et de mécanismes étonnement bien huilés. Encore faut-il éviter d'y trouver un miroir trop sinistre de nos limites -ce qui est encore arrivé à la grande fille aux cheveux noirs. On peut y trouver l'écriture, c'est déjà ça.

Même quand ça consiste à écrire pour ne rien dire du tout.

mercredi, décembre 06, 2006

Jouir au pied des hêtres

Hombres compulsives.
Ce corps boréal
Des nuits agressives
Aux bois noirs et sales,
Peuplés par ses bras,
Le temps d’un espace
Aux contours béats,
Le temps que ça passe
Et qu’le ciel remonte
Sans laisser de trace
De l’onctueuse fonte.

aaaaaaaaaaHombres compulsives

Ces corps fulgurants
A la fente ouverte
D’un monde flottant,
Aux contrées désertes,
Sécrétant leur saint
Chant au pied des hêtres
A l’échos malsain,
Où sommeil peut être
En ses recoins vils
L'ermitage d’êtres
Aux rêves fertiles


aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaDemain je travaille.
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaMatinées hâtives
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaMais pleines, où que j’aille,
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaD’hombres compulsives.


mardi, décembre 05, 2006

Le chapeau qui engendra une tête

Grain de chapeau, peau de chagrin.
Les chapeaux servent à faire pousser le corps, sans que les cafards dont il aura besoin pour grandir ne puissent s'envoler. Comme des bouchons, oui, en quelque sorte.
Et les cafards, ce sont de petites créatures aux allures de piles.
Tout d'abord ils sont enfermés dans cette zone du cerveau qui sert à l'inconscient collectif, l'héritage de nos parents, et puis au fur et à mesure que l'on se développe, ils se répandent dans le corps. Pour le faire vivre, au gré de leurs ternes grincements. Ce n'est qu'à la mort que ces cafards apparaissent: on les appelle les mandragores, porteurs de nouveaux chapeaux, pour la nouvelle génération.

lundi, novembre 27, 2006

Duras en boîte de nuit




L'apprendre par coeur. Que faire d'autre lorsque les grandes brunes, finalement, ne veulent plus danser?


Je te rencontre.
Je me souviens de toi.
Cette ville était faite à la taille de l'amour.
Tu étais fait à la taille de mon corps même.
Qui es-tu?
Tu me tues.
J'avais faim. Faim d'infidélités, d'adultères, de mensonges et de mourir.
Depuis toujours.
Je me doutais bien qu'un jour tu me tomberais dessus.
Je t'attendais dans une impatience sans borne, calme.
Dévore moi. Déforme moi à ton image afin qu'aucun autre, après toi, ne comprenne plus du tout le pourquoi de tant de désir.
Nous allons rester seuls, mon amour. La nuit ne va pas finir. Le jour ne se lèvera plus sur personne. Jamais. Jamais plus. Enfin. Tu me tues. Tu me fais du bien.



Lire Duras permet à la grande fille brune de ne pas regarder les autres filles en les méprisant. Elle s'assoit, croise les jambes, et en appuyant sa joue contre son poing fermé elle s'ingénue à afficher sur son visage tout ce qu'elle peut trouver dans son corps, de souvenirs de Shoah, d'hakafot et de lévayas. Masque mortuaire, manifeste contre l'obligation d'un bonheur empaqueté en boîte. Parfois elle explose de rire, ou se contente de laisser apparaître un petit sourire dédaigneux, la grande brune qui méprise, tout dépend du nombre de thons qui se prennent pour des requins, du nombre de baleines qui se prennent pour des sirènes. Et lorsque je la quitte pour danser, c'est alors qu'elle est en pleine possession de ses moyens: elle sait que, seule, elle est regardée. On l'aborde. Elle peut rejeter, enfin geler de ses regards. La grande fille brune va en boîte pour se créer une banquise, et s'amuse de voir la faune glisser dessus.
Ca rajoute un mystère, forcément. On se dit "pourquoi va-t-elle en boîte?", forcément, quelle étrangeté. Une grande brune fatale, seule à mépriser dans un coin pourtant conçu pour la joie...


Nous pleurerons le jour défunt avec conscience et bonne volonté.
Nous aurons plus rien d´autre à faire, plus rien que pleurer le jour défunt.
Du temps passera. Du temps seulement.
Et du temps va venir.
Du temps viendra. Où nous ne saurons plus nommer ce qui nous unira. Le nom ne s´en effacera peu à peu de notre mémoire.
Puis, il disparaîtra tout à fait.


Autour les gens boivent et dansent; c'est fait pour ça, les gens. Les premières personnes à se placer sur la piste sont toujours des filles, toujours moches; ce sont celles qui sont tellement habituées à leur brouillon physique qu'elles en ont acquis une force, une assurance plus grande encore que celle des jolies filles. Du reste, elles sont en groupes, c'est irrémédiable, un groupe protecteur et nombreux. Comme un symptôme du culte de la démocratie: plus on est nombreux, et plus on a raison. Venez les filles, montrons-nous: nous avons raison d'être moches.
Les non repoussantes se montrent ensuite. Elles sont assises à boire de l'alcool, à fumer des cigarettes, elles aussi en groupe. Si elles dansaient les premières, mises en avant par l'absence de repoussoirs équilibrantes, non seulement elles seraient considérées comme des allumeuses, mais en plus elles offenseraient les moches. Avoir le droit de se mettre en valeur sans être vu comme la "bonne qui en veut", c'est le privilège des boudins.
Car oui, il est très fréquent d'observer cette peur du désir chez les filles de la nuit. Non pas par puritanisme, ni pas analogie avec la salope. Plutôt parce que le désir les replace dans un contexte sexuel, étroitement lié à l'imagerie sinistre d'un lieu fait pour les rencontres, d'un lieu pour frustrés, donc. Elles n'ont "pas besoin de ça", elles: les gens qui draguent dans les boîtes sont seuls, donc en opposition aux groupes sécuritaires (contacter l'une, c'est contacter toutes) et abordent avec leur corps (le son ne permet pas la discussion) donc avec ces gestes clichés, ces attitudes clichés qui sont maintenant l'apanage des beaufs. C'est un fait, contrairement à ce qui se dit, les filles ne vont plus en boîte pour draguer.

Pour le plus grand malheur des hommes. Enfin pas tous, il y a deux catégories d'homme à boîte: celui qui veut s'éclater, et celui qui veut baiser. Ce dernier commence à décourager, mais on en trouve encore, dans les coins, entre deux poussières, essayant tant bien que mal de flotter dans son verre d'un alcool qui peut être, lui fera voir son âme soeur. D'origine magrébine la plupart du temps, il reste debout à chercher du regard la fille qui pourrait être seule, qui pourrait ne pas avoir de copain dans la salle. On croirait, à l'observer, qu'il s'endors sur place, mais en fait non: il a dans sa tête tout un schéma rempli d'équations, de possibilités de filles déjà prises et de leur déplacement à travers le groupe même, afin d'anticiper le moment où elles seraient abordables. Au final, le dragueur repartira auprès de sa bande, masquant sa misère d'un "je suis allé m'éclater en boîte" qui réussira même à le convaincre: après tout, la discothèque est un lieu de divertissement, c'est une étiquette suffisante pour savoir qu'on s'est bien diverti. Même lorsqu'on s'emmerde, on dira, on croira, qu'on s'est amusé.
L'autre catégorie est constituée de fêtards. La majorité. On saute on danse comme on veut on crie on connait les chansons par coeur. Ils viennent aussi en groupe, forcément, en groupe d'hommes. Et même ceux qui amènent leur copine préfèreront à un moment rester avec leurs amis; tout faire pour désexualiser la boîte de nuit. Il y a d'ailleurs de moins en moins de différences entre la façon de danser des filles et celle des garçons; les ondulations de courbes tendent à disparaître, la liberté totale des gestes aussi. Surtout dans les "bonnes discothèques", classes et bourgeoises, sans beaufs, où ce n'est pas la "fête" qui compte (réservée aux amateurs de Patrick Sébastien) mais le laissé allé dans un lieu "d'une culture actuelle et underground", dont le principal moteur est le narcissisme. Une boîte avec comme murs des miroirs pour se voir danser ses minimalismes soubresauts, voilà qui serait l'idéal pour ces gens là. Ca leur servirait en plus pour comparer avec les ratés qui osent bouger d'une autre manière qu'eux, d'une manière autre que la majorité de la boîte. Tendance au mépris face à la différence, qui unifie tous les genres, toutes les classes, tout le monde.

Il faudrait donner à tous des romans de Duras, en boîte de nuit. Forcer à apprendre Hiroshima mon amour, jusqu'à l'oubli. Peut être qu'à ce moment là, la grande fille brune se mettra à danser.....
(photo d'un autre angle, qui n'a pas voulu se tenir dans le bon sens: est-ce cela, ou Duras, qui a fait fuir les gens?)

vendredi, novembre 17, 2006

Lacets d’horizon

Etirer mes lacets à l’infini
Et en faire la ligne d’horizon

Je ne vois pas plus loin que mes pieds
Que mes orteils et mes tendons
Quand le reste, semble m’épier
Semble vouloir
Me faire trébucher
Mes pas alors, ne tiennent qu’à un fil
Mais je le tiens et le tiens bien
Et je le tord, le tord et le donne à retordre
Pour me faire chanceler
Un horizon labyrinthe
Un chemin sans contraintes

Ils ont de la ligne
Mes lacets d’horizon






Et puis un jour on aperçoit un nœud
C’est le signal qu’on nous impose
D’une nouvelle chaussure à nos pieds
Qui ne fait pas zigzaguer

mardi, novembre 07, 2006

Sales

Eclipse, noir sur blanc. Fusion.
Le clair et le sombre s'enlacent, s'interpénètrent, s'auto-enfantent. Il en naît des belles de jour.
De délicates créatures blanches qui gardent comme cadeau de leur engendrement, comme héritage de cette union incestueuse, une bouillonnante obscurité dont elles se servent pour briller. Elles la gardent toujours au fond d'elles, un secret, un puit de pétrole, mais savent la faire sortir lorsqu'il faut; le sombre apparaît alors à la lumière sous forme de taches, agressives, incontrôlables. Agressives parce qu'elles se jettent à la face des gens à la façon d'un jet de vomi, incontrôlables parce que le plaisir que l'on ressent à ces moments là rend impossible toute retenue.
C'est une revanche: pour une fois, le noir n'est plus sous le blanc. Mais les éclipses, comme on le sait, ne durent jamais longtemps.

Belle de jour, cette chère Severine, se fait refaire le portrait à coup de merde et de boue. Botticelli attaché avec David Nebreda, merveilleuse Catherine Deneuve. Pour peu qu'on prenne le temps de s'identifier au personnage, la première question que l'on se posera devant cette image, est "qu'est ce qui pousse quelqu'un a avoir de tels fantasmes? Pourquoi rêver sur la saleté?". Légitime interrogation, mais ce qui m'intéresse le plus, finalement, ce n'est pas sa réponse, mais sa raison. Le pourquoi de la "saleté", du dégoût, thème de ce post.

Pourquoi sommes-nous dégoûtés par une chose, plus que par une autre? Par exemple, j'ai vu un jour une interview télévisuelle de Matthiew McConaughey (acteur bidon cela dit en passant) où une sorte de vache choucroutée comme seul le chow bizz américain sait en produire, lui pose la question qui tue: quel déodorant utilisez vous? Question à laquelle il répond, ô blasphème, qu'il n'en met pas! Cris d'hystériques dans la salle, anathèmes, auto da fés: fin du mythe de l'homme "le plus sexy de l'année" (oui, les américain ont toujours eu des goûts de chiotte).
Si elle ne l'avait pas interrogé, personne ne l'aurait su, n'aurait senti quoi que ce soit. Au pire la journaliste, seule à être suffisamment proche de lui, aurait pu sentir une odeur d'homme. Rien d'atomique, donc: en principe une personne qui se lave tous les jours, ne pue pas. Il y a donc une peur instinctive et irrationnelle de la saleté, ou disons plutôt, de ce qui n'est pas affiché comme propre. A voir plus profondément, donc.
Et là, ceux qui me lisent se diront que je me répète, mais je suis persuadé qu'il s'agit bien d'une névrose collective: développer des dégoûts irrationnels pour échapper à son propre dégoût. Le symptôme Blanche Du Bois. C'est ainsi qu'a toujours fonctionné la société, ou du moins les sociétés dites "modernes", emprisonnés dans cette image "bien sous tous les rapports". Image fantasmée, bien sûr, mais à laquelle notre besoin de tranquillité nous pousse. Prenons la France, et ces deux exemples: tout le monde sait que nous vivons dans l'un des premiers pays vendeurs d'armes, et tout le monde sait que la "sainte" république ne s'est pas construite par les lumières de la révolution, mais par ses massacres, ses discriminations et ses tentatives de génocide. Mais voilà, on ne peut pas le reconnaître, car cela mettrait en péril l'économie de la France, et ses valeurs. Ce sont des tabous, des sujets refoulés. Il en va de même pour les Etats Unis et leur histoire bâtarde et criminelle, la saleté étant pour eux essentiellement associée au sexe.
Le sexe, tiens. Voilà qui nous amène aux fondements de la société, j’entends par là le formatage hétérosexuel. Je me souviens un épisode de mon enfance, où j'avais été engueulé par une surveillante pour avoir prononcé le mot "homosexuel"; j'ai culpabilisé, ça ne se fait pas de parler de ça, c'est dégoûtant. D'ailleurs, "PD" est un gros mot, on le sait bien. Sans oublier "sodomite", la pénétration par où on est habitué à chier -le fait qu'un vagin serve aussi à uriner ne gêne personne, on peut fermer les yeux là dessus. Je l'ai expérimenté, comme tout le monde: les enfants sont bien formés à trouver l'homosexualité sale. Même la masturbation n'y échappe pas, énormément de filles trouvent encore dégoûtant de s'enfoncer un doigt. Sans oublier les autres pratiques comme le fétichisme (voir la caricature présente dans Sex and the City, du fétichiste des chaussures qui pète de plaisir), la zoophilie ou la nécrophilie. Oui c'est un fait, notre société n'est toujours pas débarrassée des dérives judéo-chrétiennes du Lévitique, s'inspirant encore de son modèle de "l'amour propre".

Mais bien sûr, le dégoût n'est pas limité à ce qui contrarie l'ordre "sexuel naturel", il touche aussi la sexualité de l'enfant, des vieux, des obèses, des handicapés, des mutilés. Pourquoi ce qui ne devrait être qu'un désintérêt esthétique se transforme ainsi en dégoût? Serait-ce encore lié au préjugé religieux qui a fait de la procréation le seul but du sexe? Ou au fait que lorsqu'on aborde ce thème on ne peut s'empêcher de se projeter, conséquence du cogito sexuel de notre époque? Ou à la société de consommation qui rejette tout ce qui n'est pas conforme aux normes qu'elle a elle même instauré (jeunesse et beauté) pour nous forcer à acheter? Je ne sais pas au juste, peut être les trois en même temps. Ce qui est sûr, c'est que l'écoeurement vient du rapport à la sexualité: tout le monde respecte les handicapés, mais dès lors que le sexe entre en jeu, ça change tout.

Par contre, je peux comprendre la mise en place de certains dégoûts. Celui de la merde, par exemple, est une manière d'échapper à la phase sadique-anale de l'enfance, étape nécessaire. Celui de l'inceste est aussi utile, ainsi que celui de la contemplation de la violence.
Mais il faudrait vraiment penser à remettre en cause ceux dont l’existence n’a pas lieu d'être. Quelques exemples hazardeux: ces gémissements d'horreur parce que je mange un gâteau un peu écrasé (la matière reste la même, le goût reste le même, mais voilà, le gâteau n'avait plus l'apparence clean, il n'était plus "bien sous tous les rapports"). Ou alors, ces déchirantes complaintes des cours d'SVT, lorsqu'il fallait manipuler avec des pincettes des grenouilles mortes -de quoi faire éclater de rire le plus jeune des gosses du tiers monde. Ou bien, encore pire: je me souviens d'un jour, en seconde, où j'avais dit que lorsque j'ai la grippe, je ne me traînais pas jusqu'à ma douche, et que de toute façon ça m'était égale de ne pas être propre lorsque je suis seul enfermé dans ma chambre; désapprobations de mes interlocuteurs, "il faut TOUJOURS se laver". Le pire, c’est que face à leur bêtise, je n'avais rien répondu: la saleté est le domaine sur lequel on ne peut rien dire, faute impardonnable pouvant défaire toutes les réputations. C'est ça qui me dégoûte maintenant. C'est même une des seules choses qui m'écoeurent, de ne pas avoir su remettre en cause des préjugés (la question du genre, notamment) à un âge où j'étais tout à fait capable de le faire. Ca doit être pour ça que la majorité de mes réflexions sont des confrontations, presque des règlements de compte. Diantre…

Diantre, bis, et puis voilà, j’arrête là mon speech. Ah si, juste une chose encore, pour finir: j'ai retrouvé un extrait de mon roman, qui se prête bien au thème du post:

Andréin s’est toujours satisfait de l’importance que lui apportait son statut de contradicteur. Quand il était au collège, par exemple, il ne se lavait pas: il disait que c’était, dans notre société névrosée, un acte militant. D’abord par son refus du commerciale comme secours à l’individu (obsession des déodorants afin de ne pas s’occuper de sa crasse intérieure, schéma bien connu), ensuite par sa volonté assumée de ne pas plaire aux autres. Il sentait lui-même, il empestait la chaire humaine, et tant mieux si ça emmerdait les homards aux balais dans le cul. Ainsi lorsqu’une personne jetait ses lubriques vues sur lui, il pouvait être sûr que son réacteur était bien sa propre odeur, et non celle de Jean Paul Gaultier. C’était les trouvailles du gamin qui ne voulait pas avouer ses problèmes d’argent –à moins qu’il le pensait vraiment, Andréin ne sait plus. Mais peu à peu, alors qu’il comprenait qu’il séduisait beaucoup, Andréin s’est mis à développer la thèse d’une revanche par la sophistication. De la dignité dans la capacité à vivre au dessus de ses moyens, du refus de l’état de survie dans lequel la société se plait à entretenir ses prolos, par l’accès au «grand monde», principalement celui de l’apparence. Un Vuitton vaut mieux qu’un repas équilibré, on le sait tous. Nouvelle thèse, qui lui interdisait, du coup, l'accès à la puanteur.

Pour une révolution fashion.

lundi, octobre 16, 2006

Mer, notes aquatiques



Cette fois ci j'écoute Debussy, je suis d'humeur aquatique.

Une humeur qui fait des vagues, des grandes des moyennes des petites, à leur surface pour les entraîner, pour qu'elles se fracassent les unes contre les autres. Mais uniquement à la surface. Mon humeur, elle préfère effleurer la peau de l'eau, garder sa distance. Elle ne désire pas côtoyer ces gens amassés dans la chair de la mer, dans les entrailles de cette mère, poussant et poussant sans cesse pour percer leurs entraves; ces gens ce sont leurs coups finalement qui crééent les vagues. L'humeur, selon les variations de ses caresses, ne fait que tempérer. Ou non.
Cette fois ci, par ses arabesques de notes-paysages, elle a décidé d'être nostalgique. Le rythme est doux, plutôt heureux. Je me souviens qu'étant enfant j'adorais les histoires d'aventures, de bateaux qui partaient pour l'inexploré; Deux ans de vacances, par exemple, c'est dingue ce qu'il a pu me rendre heureux. Dingue surtout de voir à quel point j'ai pu changer.
Et pourtant j'ai bien vécu cette période Jules Vernesque (passer de Debussy à Verne, c'est étrange, je sais, mais c'est l'élan qui l'impose). Des histoires, qui débutaient dans le monde de tous les jours, le monde anodin tellement qu'il en devenait inquiétant au vu de celui qui devait suivre. La norme, alors, était l'inconnu: le monde où ça bouge, de l'autre côté de la frontière, où ça bouge comme des vagues. Oui c'était bien avant, lorsque la mer avait ce pouvoir de frontière -et d'au delà. Elle était dans l'ordre du possible, de tous les possibles, par son pouvoir même d'impossibilité. L'impossibilité, c'était un vide (vie de) à remplir. Dans les petites poésies de bus, notamment:
Les marins s'inventent des histoires
Pour se persuader qu'ils ont raisons
De partir au loin
Des histoires, distantes sirènes

Pour remplir
Le loin


Mais maintenant qu'on sait ce qu'il y a de l'autre côté, quel intérêt? Aucun, c'est la connaissance qui a détruit la mer. On grandit, et puis on apprend non seulement que tout a déjà été exploré mais en plus que tout existe, bien présent, civilisé et obèse comme un touriste. On grandit, et puis on apprend à connaître les vagues, on joue dans ses profondeurs avec les autres, jouer au faune, jouer aux cathédrales englouties jusqu'à ce que ça lasse, et qu'on préfère la surface. On ne s'était pas rendu compte que les jeux consistaient en l'élaboration définitif de son paysage aquatique. Le point de départ d'un courant de notes. Dont ressort parfois quelques airs qui se propagent dans le vent, des airs, nostalgiques.
C'est la connaissance qui a détruit la mère. Reste la poésie:



Les trésors clairs obscurs


le pirate blanc
debout sur le pont
appelle à l’abordage
mais personne ne le suit
il n’y a pas de navire
il n’y en a jamais eu


c’est la nuit, se dit-il
et on ne voit rien
l’encrier des astres l’encrier désastre
où l’on fait naître
les larges silhouettes
de bateaux squelettes


des bateaux, pourtant en formes de romans
mais que le pirate poursuivra toujours
poursuivre le mirage d’éclat
nocturne furtif
retrouver son frère siamois
qui a perdu son moi


au fond, chacun ses sirènes
chacun ses voix envoûtantes
ce sont les chimères qui hissent les voiles
en attendant d’être réelles
et de déployer leurs ailes
enfin, pouvoir sortir de leur coffre


de cartes aux trésors
trésors clairs obscurs
et, peut être, trésors d’aventures

vendredi, octobre 06, 2006

Cantos dépressifs



Pourquoi faut-il qu'en live les artistes soient, pour la plupart du temps, décevants? Pourquoi faut-il que Franz Ferdinand, The Doors, ou Emilie Simon, détruisent leurs chansons lorsqu'ils ne sont plus protégés par leurs arrangements de studio?

Pourquoi l'émission Tracks se rabaisse-t-elle à filmer un guignol prenant son pied à se donner deux ou trois gifles ou à glisser des escaliers avec une planche en carton? Quel intérêt par rapport à la performance de gifles de Marina Abramovic et Ulay (http://www.youtube.com/watch?v=PndmJaStLgQ)? Quel intérêt par rapport aux cascades suicidaires des Jackass? Triste d'observer une émission si fière de sa trash attitude, se dégrader ainsi en sécrétion d'ados attardé....

Et pourquoi les acteurs Antonio Banderas, Brad Pitt, Tom Cruise, Samuel Le Bihan, Keanu Reeves ou Redford, continuent-ils de jouer? Ils doivent pourtant bien sentir qu'on ne veut plus les voir, qu'on veut passer à autre chose... Et s'ils ne veulent pas respecter nos choix, qu'ils aient alors un minimum de respect pour eux même: ne voient-ils donc pas que leurs films sont nuls?? Les acteurs, c'est comme les sportifs, ils devraient avoir des retraites obligatoires.

Mais encore, il y a plus scandaleux: pourquoi les mannequins de Dior ou de Burberry sont-ils aussi moches? Les mannequins laids, ça devrait être interdit, condamné, censuré. Quand une élite tient à ce point sur des choix subjectifs, on évite de jouer à la provocation. Ou alors on ne prend qu'un seul thon, comme chez Nothomb, et on fait de lui la perle rare. Mais en faire une généralité.... quelle idée de détruire ainsi tout un système de valeur.........................

D'ailleurs, à propos de mode, comment peut-on vivre sans porter ces pantalons McQueen, avec une veste noire au col mao, ou ce merveilleux pull prada avec gants noirs??? Plus je me l'demande et plus je trouve que j'ai du mérite. J'espère au moins que le nombre incalculable de privations que ma misérable condition m'inflige me vaudra mes places au Paradis. En attendant, quand est-ce que notre état-providence comprendra que les besoins vitaux qu'il se doit d'apporter aux citoyens, ne sont pas les mêmes pour tous?? JE VEUX UN PULL PRADA


Vous le voyez, je suis assailli de questions de la plus haute importance. L'heure est aux restructurations existentielles.
Et lorsque je me relis, force est de constater que la déception est le sentiment dominant. Je commence à avoir la 'verre à moitié vide' attitude. Aigris, grisâtre, astre gris. Sans doute ai-je vieillis, sans doute suis-je dans cette période de la jeunesse (crise de la vingtaine?) où la sénilité devient la plus exquise des coquetteries, et le ridicule comique de ses apitoiements, le seul moyen de rendre supportable à son narcissisme la fait d'avoir eu 15 ans et de ne pas s'en être rendu compte. C'est cela la tragédie de l'adolescence: on n'en est pas conscient. Ce n'est qu'à la sortie qu'on remarque qu'on n'a pas vécu tout ce qu'on devait vivre, et c'est à ce moment là qu'on devient narcissique. L'obsession de son image n'est qu'une volonté de réparation -au fond, si toute blessure est narcissique, tout narcissisme est aussi blessé.
Mais ce qu'il faut voir, c'est que cette nostalgie est justement ce qui permet d'avancer. L'Eden n'existe que pour servir de modèle et de but. Toute religion est basée là dessus: il y a la jeunesse originelle, et l'égarement dans lequel on erre avant de la retrouver (dans la régression du 3ème âge? Que la folie inconsciente soit un refuge, c'est possible, mais de là à en faire un plan divin... il faudrait qu'Il soit très cynique).

C'était le message déprimé du jour. Je ne suis pas déprimé du tout, mais je ne maîtrise pas forcément l'allure d'un message. Celui-ci a décidé de jouer à la triste figure de bistrot, qu'y puis-je donc?

(au cinéma, c'est différent, forcément. Même dans les mauvais films)

mardi, septembre 26, 2006

Divinement absurde



Aujourd'hui j'ai embrassé Pierre, j'ai erré en ville, et j'ai lu les poésies de Michel Leiris; je me sens donc d'humeur mystique.
Vous savez, cette même humeur qui fait que vous avez des visions divines partout -rues, tram, toilettes... Accompagné d'une bonne musique (You where the Last High, des Dandy Warhols, je m'en lasse pas), ça me ferait presque clamer le renvoit des anglais hors de France.

Ca a toujours quelque chose d'insolent de proposer de parler de Dieu. La moindre évocation, en particulier dans les médias, entraîne chez les uns et les autres des réactions instinctives de méfiance, voir même d'hostilité. C'est comme si le bon gros troupeau des laïcards se sentait agressé. Comme si la laïcité, plus qu'une protection, leur servait en fait d'oeillère pour éviter d'aborder ce bon vieux débat. Dans le cas de la mort de JP2, par exemple, combien de lettres indignées sur "l'omniprésence de la religion aux infos"? Dans le cas de la prochaine place JP2, combien de tarés pour geindre sur "la fin de la laïcité"?? Et c'est encore pire lorsque quelqu'un, dans un film ou une interview, fait l'éloge de ses croyances: on parle alors de "prosélytisme", comme si ça pouvait être un défaut de vouloir convertir les gens, de proposer ses convictions dans le domaine publique.
Oui, j'observe qu'il y a bien une peur athée. Souvenons-nous notamment du "cacher ce visage" islamisto hindouiste remplacé par "cacher ce voile que je ne saurais voir"... Enfin, évitons les malentendus: qu'il y ai une méfiance envers les religions, je le conçois parfaitement, car il est évident qu'elles recherchent toutes (avec plus ou moins d'entrain) le moyen de s'imposer, elles et leur contrôle. Mais quand la méfiance/le rejet se fait aussi face aux croyances, à l'affirmation de l'existence de Dieu, ça prouve que cette peur est plus profonde que ça.
Il suffit d'observer le dynamisme dont les athées font preuve pour "démonter" la Foi (et non pas les dogmes, sur lesquels ils n'ont en général aucune connaissance -voir les facilités à la Onfray). L'argument qui revient le plus souvent est -drôle de paradoxe- "vous croyez en Dieu pour combler votre peur du vide", toujours accompagné d'un "si tu apprenais qu'Il n'existait pas, ne serais-tu pas perdu, n'aurais-tu pas perdu tout ton soutiens?"... Eh bien justement non. Je trouve au contraire que le vide est beaucoup plus tranquillisant que le rempli; qu'il est plus reposant de limiter le monde à ce qu'on voit que de le soumettre à une dynamique transcendante. Avec une morale, induisant la possibilité d'un bonheur ou d'un malheur éternel -inimaginable vie éternelle, sans repos, sans mort libératrice. Et pourtant, je suis souvent étonné du nombre de croyants affirmant que Dieu donne un sens à leur vie, et à l'univers. Mais quel sens? Son existence ne répond pas à la question "pourquoi tout plutôt que rien?", n'explique en rien la raison du grand bang et de notre création. Non, la religion n'est absolument pas une échappée à la philosophie de l'absurde. Au contraire, elle l'affine: quoi de plus déroutant que l'absurde du vide, sinon l'absurde du remplis?
Cette constatation a été logiquement suivie d'une philosophie de vie (l'ordre transcendant, ou son absence, entraînant l'ordre du monde, et donc le notre): autant l'absurde du vide est une incitation à la disparition, autant celle du rempli implique une complaisance dans l'action absurde. Dans ce qui n'a pas de sens, ce qu'on appelle la folie. Ou la Foi, croire sans avoir besoin de preuves, et par là même en tirer toutes sortes de délires, rites ou superstitions, suffisamment fous pour qu'il n'y ait pas de doutes quant à leur provenance -l'Homme. Au fond, la Foi est l'aboutissement de la culture dans son élimination des entraves de la raison, cette raison si naturelle, si terre à terre, au profit d'une liberté largement plus anarchiste.

Nous espérons tous que Fitzcarraldo construise son opéra dans la forêt amazonienne, pour ses indigènes, ses oiseaux et ses singes qui déjà constituaient le seul public d'Aguirre....

Mais en attendant, je dois retrouver Pierre. On dit, que c'est lui qui a les clefs du Paradis, que lui seul peut en ouvrir les portes. Ca tombe mal, je ne compte en faire que le coup d'une nuit.

lundi, septembre 18, 2006

L'amante religieuse


L'amante religieuse

Un texte que j'ai déjà envoyé, dans le forum métamorphose. Mais j'aime bien l'idée d'une sphère où il y aurait toutes mes réflexions, une sorte de compil' à consulter, donc je le replace.


Pour le retour du cannibalisme.

Tout le monde a entendu parler de la charmante histoire d’Armin Meiwes et de Bernd Brandes. Cette rencontre de deux braves citoyens allemands qui a "défrayé la chronique », comme on dit, histoire d’un informaticien de quarante-deux ans et d’un ingénieur de quarante-trois ans ; deux bourgeois respectés, élégants et sympathiques, qui, comme tout un chacun, saluaient les voisins, riaient devant les films drôles, allaient au supermarché pour s’acheter des saucisses. Et qui, comme tout un chacun, se rendaient sur leur ordi afin de pouvoir se créer la vie sociale que notre époque rend de moins en moins possible, j’entends par là la rencontre de l’autre, de préférence rencontre sexuelle.

Il n’y aurait même pas de quoi écrire un article, si l’annonce d’Armin... n’était pas une invitation au meurtre et au cannibalisme. Invitation à laquelle Bernd a répondu, voyant là une belle occasion d’enfin réaliser leur rêve d’enfance (peut être lié à la mort de leur mère respective), après des années et des années de refoulements et de frustrations. Le premier va alors trancher le divin sceptre du second, le dévorer avec lui, et va le tuer pour le garder en tranches dans son frigidaire.
Armin a dernièrement été condamné pour meurtre «pour satisfaction sexuelle » et pour «déranger la paix des morts »….

C’est cette précision, le dérangement de la paix des morts, qui m’a fait réagir. Qu’un tribunal utilise des vieilles peurs issues du judéo-christianisme pour un verdict, ça a bien de quoi étonner. L’ensemble du jury pensait-il donc vraiment qu’il faut enterrer les corps afin qu’au Jugement Dernier ils puissent se réveiller ? Non, je crois qu’ils ont surtout voulu faire appel à des croyances irrationnelles, simplement parce que le cannibalisme en lui-même leur paraît irrationnel. Un tabou. Jamais il ne leur est venu à l’esprit que quelqu’un, équilibré d’esprit, puisse se lécher les babines devant une belle cuisse musclée et resplendissante.

Et pourtant, je ne voudrais pas leur faire un cours d’histoire, mais ils ont l’air d’oublier qu’énormément de peuples/de tribus s’entredévoraient, des Aztèques aux Hittites en passant par les Iroquois. « C’est pour cela qu’ils ont disparu, c’étaient des barbares... » Eh bien non, je vois pas pourquoi. Au contraire, le cannibalisme me semble être un atout intéressant pour une société. Je pourrais prendre comme exemple le film Soleil Vert, dans lequel le gouvernement sauve sa surpopulation en distribuant aux vivants les restes recyclés des cadavres. Ce n’est pas une mauvaise idée : il y a tellement de morts, dont la chaire est encore comestible, et d’un autre côté, tellement de gens qui crèvent de faim… Pourquoi préférer nourrir les vers plutôt que les humains ? Simple affaire de logique. Tout comme la main mise de l’état sur les cadavres : l’individu n’appartient pas à sa famille, ni vivant, ni mort. Son corps devrait revenir au gouvernement, qui s’en servirait pour le distribuer aux plus pauvres. Savoir que sa mort servira à nourrir les pauvres, n’est ce pas réconfortant ? N’est ce pas une mort patriotique ? Si, ça l’est, en plus d’être un excellent moyen pour lutter contre la discrimination, envers les obèses. « Plus vous êtes gros, plus vous aidez votre pays ». Pour une société meilleure, avançons, pas à pas, vers un avenir cannibale… Bien sûr, on me répondra que la majorité des gens meurent le corps suant d’antibiotiques, de cancers, pourris par les substances illicites… Il est donc évident, qu’il faudra faire un sacré tri, que les chercheurs devront travailler à la découverte des parties saines. Sinon, il faudra privilégier les bébés, les morts nés. La chaire la plus tendre. La plus pure, excluant les « crapauds » artificiels qu’on ne saurait digérer. Ce serait une manière d’avorter sans pomper une fois de plus dans les haillons de la sécu ; au contraire ça lui rapporterait. Ce que nous souhaitons tous, n’est ce pas ?

Il se peut que certains soient choqués par ce que je viens de dire, à cause de… euh… de je ne sais quel préjugé. Sans doute le cliché du « le bébé c’est mignon on ne doit pas y toucher »… Mais cette catégorie là de puritains niaiseux semble oublier que s’il y a bien quelqu’un qui s’y connaît en anthropophagie, c’est l’enfant. L’enfant vivant en son monde de pulsions, parmi lesquelles, et peut être au centre de toutes, se trouve le cannibalisme. La théorie n’est pas nouvelle. Notre premier amour à tous était celui que nous éprouvions pour notre mère, et cet omniprésent besoin de fusion, exprimé par la bouche. La bouche grande ouverte avaler le téton aspirer la mère. Faire en sorte qu’ils ne fassent plus qu’un. C’est une volonté qui ne nous abandonnera jamais, qui sera toujours présente dans nos désirs sexuels ; fantasmer sur la peau du partenaire, sur son odeur nous attirant comme le ferait une tablette de chocolat (un aphrodisiaque, si si), enfin le goûter, ses baisers, son corps, le lécher et le mordre, avoir sa chaire en soi et ne plus vouloir s’en séparer. Oui, le cannibalisme c’est l’amour. Un peu comme le vampirisme, faire l’amour en partageant son sang (son sperme, sa salive) ; d’ailleurs c’est bien connu, le plus grand rêve des bébés est d’avoir des dents, afin de pouvoir mordre le sein de la mère, et de tout absorber beaucoup plus vite, pour leur plaisir à tous les deux…

Absorber l’autre, physiquement, mais aussi psychiquement. L’anthropophagie, tout comme le vampirisme et l’amour, n’est pas seulement la volonté de satisfaire ses désirs, mais en plus celle de se renforcer. De s’approprier la force de l’autre, contenue dans le corps, le « Temple de l’esprit ». Un partage. Oui, contrairement aux coutumes tribales qui faisaient du cannibalisme une sorte de supplice, je pense que ça peut être la transmission positive d’une nouvelle force. Le mort, sa mémoire, avec ses petites ailes dans le dos et son lit dans les nuages, sont beaucoup moins utiles que lorsqu’ils sont transmis à même le corps, dilués dans le sang. Pourquoi sa « paix » serait-elle dérangée ? C’est ce qu’à compris le christianisme, selon lequel l’amour de Dieu ne peut être ressenti qu’en mangeant Sa chaire, l’hostie. Un schéma identique à celui de l’enfant avec sa mère : dévorer pour grandir. Dévorer pour avancer, amener à autre chose.
A un enfant, tiens, pourquoi pas ? C’est en tout cas la méthode des mantes religieuses. Grandes dames à la robe verte, aux pattes ravisseuses dans lesquelles s’engouffrent les petits mâles en quête d’orgasmes ou de paternité, le crâne lentement dévoré par les crocs pointus des ladies, pénétrant au plus profond d’eux jusqu’à cette partie inutile de leur cerveau, qui affaiblie les capacités sexuelles. Plus de plaisir, plus longtemps. La mort du père, la jouissance de la mère : l’enfant dans toute sa splendeur peut arriver en ce monde, et achever ce qui reste. Il n’y a rien de plus beau qu’un rêve d’enfant…

Maintenant question : et si nous évitions d’être hypocrite ? Pourquoi persister dans cet absurde et irraisonné dégoût du cannibalisme ? J’en entends déjà, au fond de la salle, qui me sortent que certaines personnes sont tellement laides, qu’ils ne voudraient même pas avoir à les toucher. Sauf que s’ils sont servis en steak, je ne vois pourquoi ce serait forcément plus écoeurant que ce qui est déjà servi au MacDo. Car effectivement même si l’anthropophagie a des origines sexuelles, il faut voir plus loin : dans une ambition économique, et peut être, même, dans un cadre de survie d’une Terre surpeuplée. La continuité de la vie, celle des morts, par leur mémoire digérée, et celle des vivants. Au fond, c’est la même ambition que l’amour, non ?

mercredi, août 30, 2006

Nouvel antre


"Je ne suis et tu n'es, dans les vastes flux des choses, qu'un point d'arrêt favorable au rejaillissement"

Rester devant mon écran des heures réfléchies à en jongler avec, des heures de semblants d'incipit aux allures de simulacre. C'est mon premier message, je dois trouver quelque chose, une phrase accrocheuse. Que sais-je? Longtemps je me suis couché de bonne heure? Colin terminait sa toilette? Des taches des taches partout sur le troisième panneau vous voyez? Les phrases d'ouverture s'amènent comme un défilé de mode. A moi de choisir la plus belle.

Elle doit être très belle, bien sûr. Elle doit être offerte, les jambes écartées pour qu'on glisse dedans et tomber la tête première dans ses canaux aux multiples passages -s'y perdre. Le vagin d'une phrase est un labyrinthe où le nombre de couloirs et égale au nombre de lecteurs. Mais plus on s'y enfonce et plus les murs disparaissent, pour se retrouver dans un monde où ce sont les mots les voyageurs abstraits de nos pénétrations, de nos compulsions jouissives.

S'en débarrasser serait peut être l'idéal. Au fond nous nous construisons nous même nos labyrinthes pour pouvoir nous en extraire; nous devons savoir instinctivement que le sens implique des obstacles alors nous les engendrons. Moi par exemple pour avancer dans cette naissance là, ce nouveau blog, je me suis légèrement enfumé la tête (on me pardonnera alors la confusion). C'est cela le simulacre: sans doute suis-je en train de me tromper de brouillard. Est-ce le sens, ou mes mots qui s'envolent au rythme des assomptions langoureuses de la fumée blanche? Qui s'entrelacent de tous côtés jusqu'à se diluer dans l'univers?

Je m'en fout, j'ai décidé de devenir superficiel. Dans quelques jours j'aurais 20 ans, je n'aurais plus que ça à faire (il sera trop tard pour être sérieux). J'écoute We have the map of the piano, de Mum, une merveille d'envie de planage tête aux pieds. Cela va aussi très bien avec Your Girl, de Blue States, ou Ion, de Placebo, comme s'il y avait un lien direct entre l'acier glacé de l'électronique et nos corps en transe, une connection viscérale, sans doute parce que justement la transe consiste à traverser cet acier. Mais j'ai découvert que le classique aussi peut parfaitement s'harmoniser avec le planage; je pense en particulier à Philip Glass et ses boucles d'embouteillages, toujours à traverser, voie à explorer, donc. Einstein on the joints.....

Bref
On s'accordera donc pour dire que le map of the piano vaut mieux que quelques heures pour un début de blogage. Je vais donc débuter par une citation, une sorte de baptême pour le rejaillissement.
Rejaillir, rejouir (réjouir?) dans le cosmos en une élégie amoureuse et narcissique, jouir le cosmos. Ma création. Ce labyrinthe.



http://www.u-blog.net/derivesalenvers (l'ancien antre/autre, l'entre-autre)

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