lundi, octobre 16, 2006

Mer, notes aquatiques



Cette fois ci j'écoute Debussy, je suis d'humeur aquatique.

Une humeur qui fait des vagues, des grandes des moyennes des petites, à leur surface pour les entraîner, pour qu'elles se fracassent les unes contre les autres. Mais uniquement à la surface. Mon humeur, elle préfère effleurer la peau de l'eau, garder sa distance. Elle ne désire pas côtoyer ces gens amassés dans la chair de la mer, dans les entrailles de cette mère, poussant et poussant sans cesse pour percer leurs entraves; ces gens ce sont leurs coups finalement qui crééent les vagues. L'humeur, selon les variations de ses caresses, ne fait que tempérer. Ou non.
Cette fois ci, par ses arabesques de notes-paysages, elle a décidé d'être nostalgique. Le rythme est doux, plutôt heureux. Je me souviens qu'étant enfant j'adorais les histoires d'aventures, de bateaux qui partaient pour l'inexploré; Deux ans de vacances, par exemple, c'est dingue ce qu'il a pu me rendre heureux. Dingue surtout de voir à quel point j'ai pu changer.
Et pourtant j'ai bien vécu cette période Jules Vernesque (passer de Debussy à Verne, c'est étrange, je sais, mais c'est l'élan qui l'impose). Des histoires, qui débutaient dans le monde de tous les jours, le monde anodin tellement qu'il en devenait inquiétant au vu de celui qui devait suivre. La norme, alors, était l'inconnu: le monde où ça bouge, de l'autre côté de la frontière, où ça bouge comme des vagues. Oui c'était bien avant, lorsque la mer avait ce pouvoir de frontière -et d'au delà. Elle était dans l'ordre du possible, de tous les possibles, par son pouvoir même d'impossibilité. L'impossibilité, c'était un vide (vie de) à remplir. Dans les petites poésies de bus, notamment:
Les marins s'inventent des histoires
Pour se persuader qu'ils ont raisons
De partir au loin
Des histoires, distantes sirènes

Pour remplir
Le loin


Mais maintenant qu'on sait ce qu'il y a de l'autre côté, quel intérêt? Aucun, c'est la connaissance qui a détruit la mer. On grandit, et puis on apprend non seulement que tout a déjà été exploré mais en plus que tout existe, bien présent, civilisé et obèse comme un touriste. On grandit, et puis on apprend à connaître les vagues, on joue dans ses profondeurs avec les autres, jouer au faune, jouer aux cathédrales englouties jusqu'à ce que ça lasse, et qu'on préfère la surface. On ne s'était pas rendu compte que les jeux consistaient en l'élaboration définitif de son paysage aquatique. Le point de départ d'un courant de notes. Dont ressort parfois quelques airs qui se propagent dans le vent, des airs, nostalgiques.
C'est la connaissance qui a détruit la mère. Reste la poésie:



Les trésors clairs obscurs


le pirate blanc
debout sur le pont
appelle à l’abordage
mais personne ne le suit
il n’y a pas de navire
il n’y en a jamais eu


c’est la nuit, se dit-il
et on ne voit rien
l’encrier des astres l’encrier désastre
où l’on fait naître
les larges silhouettes
de bateaux squelettes


des bateaux, pourtant en formes de romans
mais que le pirate poursuivra toujours
poursuivre le mirage d’éclat
nocturne furtif
retrouver son frère siamois
qui a perdu son moi


au fond, chacun ses sirènes
chacun ses voix envoûtantes
ce sont les chimères qui hissent les voiles
en attendant d’être réelles
et de déployer leurs ailes
enfin, pouvoir sortir de leur coffre


de cartes aux trésors
trésors clairs obscurs
et, peut être, trésors d’aventures

vendredi, octobre 06, 2006

Cantos dépressifs



Pourquoi faut-il qu'en live les artistes soient, pour la plupart du temps, décevants? Pourquoi faut-il que Franz Ferdinand, The Doors, ou Emilie Simon, détruisent leurs chansons lorsqu'ils ne sont plus protégés par leurs arrangements de studio?

Pourquoi l'émission Tracks se rabaisse-t-elle à filmer un guignol prenant son pied à se donner deux ou trois gifles ou à glisser des escaliers avec une planche en carton? Quel intérêt par rapport à la performance de gifles de Marina Abramovic et Ulay (http://www.youtube.com/watch?v=PndmJaStLgQ)? Quel intérêt par rapport aux cascades suicidaires des Jackass? Triste d'observer une émission si fière de sa trash attitude, se dégrader ainsi en sécrétion d'ados attardé....

Et pourquoi les acteurs Antonio Banderas, Brad Pitt, Tom Cruise, Samuel Le Bihan, Keanu Reeves ou Redford, continuent-ils de jouer? Ils doivent pourtant bien sentir qu'on ne veut plus les voir, qu'on veut passer à autre chose... Et s'ils ne veulent pas respecter nos choix, qu'ils aient alors un minimum de respect pour eux même: ne voient-ils donc pas que leurs films sont nuls?? Les acteurs, c'est comme les sportifs, ils devraient avoir des retraites obligatoires.

Mais encore, il y a plus scandaleux: pourquoi les mannequins de Dior ou de Burberry sont-ils aussi moches? Les mannequins laids, ça devrait être interdit, condamné, censuré. Quand une élite tient à ce point sur des choix subjectifs, on évite de jouer à la provocation. Ou alors on ne prend qu'un seul thon, comme chez Nothomb, et on fait de lui la perle rare. Mais en faire une généralité.... quelle idée de détruire ainsi tout un système de valeur.........................

D'ailleurs, à propos de mode, comment peut-on vivre sans porter ces pantalons McQueen, avec une veste noire au col mao, ou ce merveilleux pull prada avec gants noirs??? Plus je me l'demande et plus je trouve que j'ai du mérite. J'espère au moins que le nombre incalculable de privations que ma misérable condition m'inflige me vaudra mes places au Paradis. En attendant, quand est-ce que notre état-providence comprendra que les besoins vitaux qu'il se doit d'apporter aux citoyens, ne sont pas les mêmes pour tous?? JE VEUX UN PULL PRADA


Vous le voyez, je suis assailli de questions de la plus haute importance. L'heure est aux restructurations existentielles.
Et lorsque je me relis, force est de constater que la déception est le sentiment dominant. Je commence à avoir la 'verre à moitié vide' attitude. Aigris, grisâtre, astre gris. Sans doute ai-je vieillis, sans doute suis-je dans cette période de la jeunesse (crise de la vingtaine?) où la sénilité devient la plus exquise des coquetteries, et le ridicule comique de ses apitoiements, le seul moyen de rendre supportable à son narcissisme la fait d'avoir eu 15 ans et de ne pas s'en être rendu compte. C'est cela la tragédie de l'adolescence: on n'en est pas conscient. Ce n'est qu'à la sortie qu'on remarque qu'on n'a pas vécu tout ce qu'on devait vivre, et c'est à ce moment là qu'on devient narcissique. L'obsession de son image n'est qu'une volonté de réparation -au fond, si toute blessure est narcissique, tout narcissisme est aussi blessé.
Mais ce qu'il faut voir, c'est que cette nostalgie est justement ce qui permet d'avancer. L'Eden n'existe que pour servir de modèle et de but. Toute religion est basée là dessus: il y a la jeunesse originelle, et l'égarement dans lequel on erre avant de la retrouver (dans la régression du 3ème âge? Que la folie inconsciente soit un refuge, c'est possible, mais de là à en faire un plan divin... il faudrait qu'Il soit très cynique).

C'était le message déprimé du jour. Je ne suis pas déprimé du tout, mais je ne maîtrise pas forcément l'allure d'un message. Celui-ci a décidé de jouer à la triste figure de bistrot, qu'y puis-je donc?

(au cinéma, c'est différent, forcément. Même dans les mauvais films)

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