mardi, décembre 18, 2007

Nous sommes tous des chinois

Les blogs ne sont vraiment plus ce qu'ils étaient.
S'il y a une posture toujours plaisante à emprunter, c'est celle du blasé regrettant un hypothétique âge d'or -attitude qui cependant, peut vite dévier vers l'aigreur la plus réactionnaire. Le tout est de savoir doser, de s'y prendre avec diplomatie. Je reprends donc : les blogs actuels sont, sauf exceptions, une constellation de médiocrité. Et Dieu sait si j'ai cherché parmi l'amas d'ignominieuses banalités sans style ou les traînées de crampes littéraires. Mais finalement, y a-t-il déjà eu un âge d'or du blog?

(Hip ou hype? Snob ou snoob? L'âme enlacée ou l'amant lassé?)

Concert des Tellers, quant à faire. A la Boule Noire, drôle de nom, petit concert, excusé (timidité et fatigue des débutants). Petit public surtout. Mais ça devient presque une habitude dans les concerts de rock: il ne doit plus y avoir qu'1/4 du public qui bouge. On leur offrirait des sièges ils s'assiéraient. Quant aux fumeurs, leur terrible et progressive marginalité devient éloquente. "Les jeunes de nos jours ne savent plus s'amuser" disent nos parents... En fait, il n'y a guère que dans les concerts d'hard rock que le public bouge dans une même énergie, une même korégraphie commune: mouvement de tête de l'avant vers l'arrière. On dirait des baromètres noirs mesurant le taux de puissance des basses. Leur observation est aussi fascinante que les turbulences du Queen vu en plongé.



Et aussi

L'expo Heidi Slimane -une très radine tranche de la réelle expo Slimane. Qu'y avait-il déjà j'ai du mal à m'en souvenir, un trou de mémoire. Mmmm... Il y a l'obscurité, des nuques et des flashs, l'obscurité des nuques flashés. Mmmm... Ai-je été déçu je ne m'en souviens pas. Dans l'art mutilé l'avantage est qu'on peut se faufiler en ses trous, là où les spectateurs n'ont plus rien d'autre à regarder qu'eux-mêmes. On se dit alors que c'est à nous d'achever l'oeuvre. Il y a le garçon qui ne sait pas comment se placer pour remplir, le cadre. Il bouge trop.

Il y avait aussi la lumière, comme un fleuve qui se perdait dans une mer de fumée, et puis, il y avait les membres qui en sortaient ou s'y recachaient, la peau blanche, un baiser. On entendait des sons étranges, une complainte? Un baiser simulé /peut être /un baiser clair-obscur.

La mutilation elle même comme simulacre. Les pièges où les jeunes gens tombes figés, dans un cliché photographique. Slimane tout comme Gus Van Sant est un artiste du trou, de l'ellipse, de ce qui est à côté -visages de cheveux, émotions clandestines, corps et vestes, ou narration d'un autre monde, d'un temps désaccordé et du ravissement de l'absence. C'est en cette retranscription qu'ils sont indéniablement les deux grands pygmalions de la jeunesse actuelle.

Ces Perfect Strangers


Mais question : où sont donc passés les dandys? Les dandys tendent à disparaître, comme tout ce qui, dans un suprême mépris du concept galvaudé d'altérité, est interdit à l'un des trois sexes. Les filles n'ont aucun équivalent au dandysme, sans doute parce que l'oisiveté et le culte de l'apparence qui la caractérise leur ont été imposés pendant des siècles. Le travail et la culture sont leur subversion à elles. On remarquera au passage que pratiquement toute l'esthétique des dernières générations exclut les filles, au profit d'un nouveau narcissisme masculin. Qui retiendra-t-on le plus longtemps, Pete Doherty ou Kate Moss? C'est le pop-rock maintenant qui créé les tendances, or le pop-rock est essentiellement masculin (concept de bad boys) -cet objectif stylistique, voir même énergétique, est ainsi un théâtre de rivalité dont les acteurs ne peuvent être que des garçons, reléguant aux vagins le rôle de groupie-faire-valoir.

Mais j'attends néanmoins le moment où l'on verra aux premiers rangs des plastiscines une horde de garçons aux cris hystériques, éclatant en larmes après avoir frôlé l'orteil de la bassiste. Ce devrait être terrifiant.

Ordonc les français, en votant majoritairement à droite, ont choisi la France qui se lève tôt, qui travaille, une France moraliste réceptive aux moindres inclinations de ses émotions, au lourd esthétisme de la laideur. La désinvolture pop façon baby-rockers, (façon maybe-rockers, surtout) ou tektonikers ou fluokids, est déjà une aération mais se limite aux parenthèses de sa jeunesse. Le minet arrogant qui va tous les soirs au Shebeen, au Pop In, au Bouddha Bar (finalement non, il n'y a pas que des pétasses et des trentenaires au BB) ou au Metropolis, est le même que le costard que l'on retrouvera quelques années plus tard en entreprise. Il lui manque le parti-pris politique, la connaissance du potentiel manifeste de sa culture - le principe du dandysme. Je crois l'avoir observé (peut être me trompe-je), les nouvelles sous-cultures se sont laissés dominer par le diktat bourgeois, à savoir que leur liberté n'appartient qu'à ce qu'il appelle "l'insouciance de la jeunesse", une "sphère temporaire avant le monde réel". Avec l'aide de la société de consommation, quand les codes vestimentaires remplacent totalement l'idéologie politique. Finalement, cette fuite n'a pas le contenu necessaire à la révolution, et, de par son autisme "dépression post-société-libérale", finira très certainement par abdiquer encore plus lamentablement que les soixante-huitards.
Reste l'érotisme des slims.
Et les dandys? Aucun patron ne peut être dandy, on l'a compris quand cette position a cessé de se limiter aux yeux des gens à l'amour de la mode, pour se développer en philosophie de vie. Et même s'il devient de moins en moins présent, le dandy a le mérite de se repréciser, remarquable face à la vulgarité de droite. Ceci est justement son rôle : connaître de fond en comble les cultures et valeurs de masse, pour ensuite les dépasser. Un retournement du principe d'effort.

Il y a plus intéressant encore que le dandy, c’est le performer. Lui prend comme base à dépasser le niveau du dandy, il ne teste plus seulement les domaines de formatage social, mais aussi tout le rapport au corps et à ses normes. En serais-je un plus tard, quand il ne me restera plus que l’insolite pour me mettre en valeur ?

J'avais écrit d'autres textes à publier, d'autres aigreurs déçues, mais c'est Noël aujourd'hui. Alors, Joyeux Noël à tous ; après tout pourquoi pas. (Strawberry Jam d'Animal Collective, est le panorama acoustique le plus pétillant de l'année. Sous sont patronage son zoo de compagnie fait merveille : Panda Bear, Caribou et Le Loup. Let's myrtille, baby)

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