samedi, septembre 15, 2007

Ricochets

Moui, de légers ricochets pour cette fois ci.

Déjà parce qu'ublog agonise et qu'en rendant son âme il a décidé de l'accompagner, au passage, de son corps. Idébile, mon tout second antre virtuel en faisait partie, le bien-nommé "Dérives à l'envers" dont les vers et les rives m'avaient pris tant de temps: http://www.u-blog.net/derivesalenvers.
Récupération des textes, donc, exil. Ca m'a permis de m'y replonger; je me trouve souriant, frais, ces lieux communs déclamés dans l'entrain de la découverte, ces ébauches tâtonneuses, iridescentes, parfois même les restes de ma période relativement maladroite de droite malade, c'est mignon comme une progression. Les Dérives datent d'il y a 1 ans et demi. Peut être un peu court jeune homme, pour la rétrospection. C'est que, je ne crois pas être un génie, il m'a fallut du temps pour le remarquer et décider que faute de dons d'avatar surpuissant, je pourrais toujours travailler à avoir beaucoup de talents. Ce qui, entre nous, est un succès.

Et je me relis, et je constate à quel point mon ego-trip est modéré, c'est d'une coquetterie délicieuse. Le snoobisme n'a pas été un mouvement très perçant, mais je m'y tiens. A propos, je me suis remis à écouter du Kilar, son géocentrique Requiem father Kolbe, ce qui m'a ramené vers le club des génies polonais, Preisner et son globesque Requiem for my friend, et autres Lutoslawski ou Goreki. Sans oublier, glissements logiques vers Arvo Pärt. J'avais perdu d'oreille la musique contemporaine. Grave erreur, toujours garder un peu de musique contemporaine au creux des tympans* devrait on rappeler plus souvent. Il faut dire que depuis quelque temps je me suis presque limité au rock, j'avais trop de classiques à rattraper. Il faut bien connaître, après tout, les groupes que l'on écoute pas, subir suffisamment de Janis Joplin, des Who, des Clash ou de Jimi Hendrix pour sortir avec une moue méprisante qu'ils nous emmerdent. Comme une punition, pour l'impardonnable iconoclastie.

(*J'ai bien fait de vérifier, j'avais écrit "tampon" à la place)


Ensuite, parce que justement j'ai acheté Once Upon a Time in the West d'Hard-Fi, le meilleur opus rock depuis The Besnard Lakes and the Black Horse et l'All of a Sudden I Miss Everyone, tous deux de février. Editors et Arcade Fire ne feront certainement pas partie du top 5 de l'année. Il leur faudra encore combattre la folie des derniers Animal Collective et l'antalgie de The Go!Team. En attendant, télécharger Heart it Races, d'Architecture in Helsinki, Wet & Rusting de Menomena, et Les Femmes, de Yelle. Sinon, se reporter sur la bonne MIA, ou sur le début du premier cd de Sayem.
Il y en a d'autres encore, bonne période. La rentrée est toujours intéressante pour un domaine particulier, comme s'il n'y avait pas de places pour plusieurs. Cette année c'est la musique. Il y a deux ans c'était la littérature. Et l'année dernière le cinéma.

Bientôt, cependant, une sélection de films des plus bandants. Le Control de Corbijn, le très bel Alexandra de Sokurov, le Paranoid Park de Gus Van Sant, l'Autre Côté de Fatih Akin et l'I'm not there du fameux Todd Haynes. Quant au prochain Wong Kar Wai, il serait trop entendu de dire que je l'attends tendu.
A propos de cinéma, ai décidé de me lancer le plus vite possible dans un nouveau court métrage. "Les Jours de Cerf-volants". Ce sera après mon stage -déjà des rendons-nous d'entretiens, mais rien n'est tout à fait sûr. J'ai un besoin pressant oppressant de filmer, j'aimerais tellement que ce soit aussi simple qu'écrire. Mais ce serait trop facile, ça aurait un côté profane.


Enfin parce que je me suis remis aux musées de peinture. La peinture et le dessin font partie avec la musique contemporaine des choses que j'ai laissé tombé depuis mon échappatoire de l'école d'art appliqué. En fait, je m'y étais d'abord rendu pour les vidéos de Douglas Gordon et de Paul McCarthy (jeux de mains jeux de demain du premier toujours plaisants, vulgarité crasse du second toujours aussi morvesque), et puis, instinctivement, pour en avoir pour mon argent, errances parmi les tableaux. Et j'ai noté une chose: le cliché de la chute de la peinture dans la seconde partie du XXème est faux. Le XIXème, le XVIIIème siècle, ont tout autant de tableaux sans aucun intérêt qu'on ne garde que par pitié culturelle. La seule différence étant qu'à l'époque, cette majorité d'artistes à bâillements prenaient au moins la peine de combler leur platitude par un travail rigoureux. Sauf que peinture de qualité ou non, l'ennui reste l'ennui (putain il est 4h36, le nombre est joli, joli enchanté mais épuisé).

PS: confondre, à chaque fois Austerlitz avec Auschwitz. Gênant lorsqu'on parle des déportations à Austerlitz, beaucoup plus lorsqu'on demande si notre RER va bien en direction d'Auschwitz. Et si on devait me pardonner un concluant jeu de mot, je dirais que je cours à mon austère lit.

vendredi, septembre 07, 2007

Pute

L’hôte de mon colocataire a sucé la queue d’un gentil patron pour 100 euros, il avait besoin d’argent afin de voyager à Nantes. Moi on me propose 500 euros (héhéhé, comme quoi !), pour un programme «branlette, câlin, fellation». Mmm, à voir.

J’ai connu plusieurs escort-boys ces derniers temps, il paraît que ce n’est pas commun comme métier, je ne sais même pas si c’est reconnu. Peut être l’escort est-il reconnu et non la pute. Il s’agit pourtant exactement de la même chose, me semble-t-il. Je n’ai jamais rencontré une de ces personnes payées pour tenir compagnie à son client «en tout bien tout honneur», je me demande si ce n’est pas en fait un mythe. Une maligne dérobade. Mais à y réfléchir, on dit tellement de choses sur les putes que je ne vais pas m’étonner d’entendre parler de prostitués qui ne baisent pas. A figurer auprès de celles «au grand cœur». Ceci n’a rien d’étonnant : elles s’occupent des pines et vagins coincés dans leur rhume solitaire, ce sont des saintes, et qui dit saintes dit religion, et qui dit religion dit Mystère. Personne n’en a vu mais tout le monde y croit. Au fond les bonnes putes, les heureuses des joyeux instants qu’elles procurent à leurs clients, les salvatrices compréhensives, elles existent : il suffit d’avoir la Foi.


Les sociétés ont besoin d’imaginer cette hypothétique bonté, elles en ont besoin parce qu’il leur faut des saints sacrificiels pour se déployer. Le sacrifice, pour la rédemption. Heureux les pauvres, le Royaume des cieux est à eux : une parole divine bien confortable quant il faut rassurer moralement les bourgeois. Eh bien soit. Si je me prostitue, j’essayerais d’y prendre du plaisir, j’en prendrais, je deviendrais ce cliché.

Du reste, si je devais être une pute malheureuse, de toute façon personne ne le saurait, donc à quoi bon, hein. Les putes on les écoute pas, on les baise et on les imagine. Je n'y gagnerais rien. Ca fait des siècles qu'elles subissent leur condition de marginales et tout le monde s'en fout. On n'a commencé à vouloir les en sortir que lorsque la prostitution pouvait enfin devenir un choix (et un bon plan économiquement parlant), chose inacceptable puisque dénuée de toute idée de sacrifice. C'est alors que les féministes sont arrivées, elles et leur puritanisme. Des valeurs sûres pour dire que non, dans tous les cas la condition de prostitué est liée à la souffrance à et à la misère; au final, ce sont toujours les concernés qu'on n'écoute pas. Qu'importe : le principal travail des féministes ne consiste qu'à expliquer qu'une femme n'est pas une pute -ce qui, en fait, ne veut strictement rien dire. Connasses. Si je devais être une pute heureuse, ce serait contre elles. Et puis, que le beau temps revienne. En septembre c'est un peu tard.

J’ai la fièvre, souvent. Je déambule dans les rues comme un somnambule, l’impression de ne plus avoir de corps, d’être à l’intérieur de ce corps mais comme témoin passif. J’observe la douleur flottante, le flou de ma peau et ses fins grésillements. L'espace autour est encore plus lointain, l'espace autour, mon organisme est une baie vitrée qu'il ne traverse que filtré dans un prisme où ses couleurs se décomposent. Gris, bleu azure, couleurs incertaines. Et mes poumons-poubelles grognent, et je fume quand même. Ca va passer, je me dis, tout passe toujours. C’est la phrase favorite de mon grand père : «Tout passe, tout passe»… Sauf que si tout passe, c’est en se détruisant.

Dans le cas de la maladie, il y a d’abord le temps, qui n’existe plus. La douleur s’ondule dans une sorte de rythmique répétitive, de transe, petits coups de batterie au dessus de l’œil gauche, migraine. La migraine a toujours été ce que je crains le plus, parce qu’elle empêche de penser (et surtout au sexe). Il n’y a plus qu’elle. Combien de temps pour un coup de batterie au dessus de l’œil ? Aucun : même aux yeux de la société ce temps n’existe plus, nous sommes dispensés de tout, l’absence au travail s’en trouve béni. Sans doute parce que la douleur est la punition de notre corps à ce temps qu’on lui impose, un temps cadré selon les horaires du travail. Un temps dégueulasse, donc, le plus solide moyen de combattre nos pulsions.
Revanche d’un corps vendu. C’est quand je suis malade que je le vendrais bien, pourtant, mon putain d’organisme.

Vendre son corps, en voilà un beau cliché concernant la prostitution, d’ailleurs. Pourquoi ne pas parler de location, plutôt ? (Louage, louange, ange-loup. «Sale comme un ange» disait Catherine Breillat.) Si être catin ça consiste à vendre son corps alors l’écriture est l’apogée de la prostitution. Ceci amène cela, me direz-vous.

Au fond, oui, il y aurait un peu de littérature de ma part, dans le fait de devenir une pute. Je suis sûr que tous les ados, que tout le monde en a déjà rêvé. Cet autre cliché : le bourgeois quittant clandestinement son milieu pour faire des passes la nuit. Belle de Jour. Mais je crois que ce fantasme a beaucoup perdu de sa pertinence. Déjà parce que l’un de ses attraits est dans la soumission, dans l’obligation professionnelle de faire ce que le client veut ; une excitante dégradation devenue parfaitement accessible depuis que le sadomasochisme n’est plus un tabou. Et ensuite, simplement parce que sa satisfaction est devenue trop facile, à cause du libéralisme qui de part son «extension dans le domaine de la lutte» narcissico-sexuelle a largement contribué à l’explosion des limites sociales et morales de la prostitution (oh, je pense là à l'un des meilleurs films de Godard : Ce que je sais d’elle, d’un simple regard). Parmi mes amis/connaissances qui se font payer pour baiser, aucun d’eux n’est prolétaire. Il s’agit avant tout d’arrondir les fins de mois, de partir en voyage, de s’acheter le dernier cd d'Hard Fi qui a l’air très bon. J’ai enfin mon t-shirt Vivienne Westwood, je suis heureux.
Séduire
Devenir un cliché. Cliché : image prise en photo. Une image qui reste.
L’infini des possibilités que je ressentais il y a quelques années est devenu mon cliché, il faut que je m’y attache. Je voudrais baiser avec mon cadavre. Ce doit être ça la fontaine de jouvence, une nouvelle peau qui pousserait de l’union entre mon foutre et mes entrailles. Une peau sans temps, malade mais sans douleur. La douleur je peux m’en charger seul merci, j’ai appris comment on la change en plaisir, c’est comme l’obscène, pas très difficile.

Mais pourquoi j’écris tout ça ? J’en sais rien. Je marche dans la rue, avec un peu de fièvre, et les phrases viennent, et j’ai l’impression que tout ce que je pense je dois l’écrire. Un jour je filmerai tout ce que je pense, un jour j’aurai les moyens. Les connaissances techniques, aussi. Question : pourquoi ne pas m’y lancer maintenant ? Arf. Je crois que j’ai besoin de quelqu’un pour devenir génial, un talent à qui m’identifier. Qui me servirait de repère, de repaire.
Mais les rencontres sont si


A propos de prostitution, il faut lire L’amour du prochain, de Pascal Bruckner :
"En hébreu, sainte et putain sont pratiquement le même mot: kadosh et kadesh. Cela vient d'une racine identique qui veut dire séparation. Le saint et la putain se séparent de la communauté des hommes pour les sauver, chacun à sa façon."
La linguistique venait à son secours, nous faisait obligation d'être serviables et tant pis si la charité ressemblait à de la débauche. Sans que je puisse la freiner, Dora s'était lancée dans un héroïsme de la fornication. Nous devenions missionnaires en terre païenne. L'amour du prochain, c'est elle qui le pratiquait maintenant, sans limites. Elle m'avait objecté jadis: à tout aimer, on perd le goût de bien aimer. Elle me disait maintenant: à ne pas vouloir tout aimer, on n'aime rien."

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