lundi, mars 23, 2009

Ou pas

Il s’approche et s’assied à côté de moi, arrivé en retard à la séance du film où de vieux hommes déambulent dans le sable et où une famille les attend en embêtant une brebis. Le film est Le chant des Oiseaux, d’Albert Serra, les Rois Mages traversant le désert pour Jésus. Lui est brun ses cheveux courts d’une légère ondulation qui se prolonge dans toute sa silhouette, dans la banalité détendue de ses habits, il est seul. Son visage est difficilement visible, se devinant derrière le noir comme les images subliminales du demi-sommeil, clignotantes selon le matinal, l’érectile dosage entre visible et invisible. J’aime les gens qui vont seuls au cinéma, surtout quand ils sont jeunes et que la séance en question est aussi désertique que celle d’Albert Serra. Je crois que c’est avec eux, les spectateurs solitaires, que le partage cinématographique se fait le plus intense. Soyons précis : les jeunes et séduisants garçons assis seuls ; chez eux l’avis post-visionnage, ces miettes qu’on éparpille en espérant que leur entassement modèlera à nouveau le film, prend le goût d’un hors d’œuvre caché, prend les traits de leur dimension sensuelle et le flou de leur inaccessibilité. On soupçonne toujours la beauté qu’on projette sur le corps d’une jeune silhouette inconnue d’être telle une plage pure, je pense que tout adophile me comprendra. L’idée qu’elle puisse être traversée par des pensées, et surtout, par des émotions, cette idée là est stupéfiante. Car enfin, si cette pureté fantasmée est définie par un dépouillement absolu, que peuvent donc être ces émotions et pensées que l’on sait présentes mais dont on refuse tout défaut ? De la même manière que les images de l’écran se propulsent sur son visage en ondoyant ses traits, en cachant ses imperfections, le garçon qui s’est assis à côté de moi devient Le chant des oiseaux. Il devient, quoi, noir et blanc, la lenteur reposée entre chacune des crêtes de ses dunes, drôle et contemplatif, beau tandis que le film l’adopte comme un appendice connectif et mimétique. L’entre-deux qui tend la distance en un échange illustratif, mais si irréel, si absorbé. Car enfin, si ces impénétrables spectateurs étaient plus réels que le film, je les aurais bien abordé au moins une fois –mais non, ceci n’arrive jamais, et ils finissent toujours par disparaître dans le blanc fœtale de l’écran vide.
Celui-ci cependant me touche le bras de son coude. Seigneur, je bande.
-Deux européens blancs qui sont en contact physique, en général ils ne sont pas sans l’ignorer. En Tunisie j’avais été surpris par la normalité, l’absence totale d’ambiguïté des contacts ; dans une voiture un garçon avait la cuisse contre la mienne et ne semblait pas même le remarquer (ce rapprochement m’a obnubilé pendant tout le trajet). Sans doute est-ce ainsi dans les cultures où l’homosexualité n’existe pas officiellement. Mais dans la culture judéo-chrétienne, à moins d’être ivre, je crois que tous y prêtent attention et notons que, si l’on en juge l’érotisme qui en résulte, ce n'est pas forcément plus mal...
Or donc, si le garçon ne retire pas son bras, dois-je en conclure que l’impudeur de cet effleurement ne le gêne pas, ou même, qu’il lui plait ? Les questions affluent et finissent par obnubiler. Coude + coude point précis d'intersection, bogosse ? Il y a là une porte offerte vers les méandres de cette perfection de cinéma. Je m'excite. Mes jambes se contorsionnent en exploit acrobatique pour dissimuler la tyrannie de mon érection. C’est comme si entre chaque plan du film un coude se cachait, envahissait les ellipses et les articulait aux images, faisant de cette confrontation (ce partage) l’érection même. Le chant des oiseaux se change en chant érotique. Tout son sens se révèle soudain. Quel étonnement, ce coude qui rapidement s’infiltre en moi avec la promesse d’un corps entier, d’un prolongement, quelle jouissan…
Le garçon part au bout de 30 minutes : Albert Serra, manifestement, le fait chier.
Et merde.




Ou alors : je me jette sur lui et arrache ses fringues d’un coup, il se laisse faire, m’embrasse. La langue est toupie et le film tout d’un coup voyeur. Je me déshabille aussi et nous faisons de notre nudité le nouveau présent des rois au Nouveau Né, totale et éclatante sous la lumière soudainement épurée, recueillie imprégnant la salle. Nous caressons nos sexes en élévation. Tous autour de nous contemplent le film devenu pornographique, tâtent leur attribut encombré ou leur chatte édeniquement noyée. Ils observent nos doigts forçant les remparts de l’anus, les bouches entre les pénis et la salive dont on ne discerne plus le possesseur. Nous jouissons, la Bible entière en rêve un nouveau Quantique des Quantiques, nous jouissons tous en même temps dans les déserts de Palestine jusqu’à l’étoile guidante des écritures sans lettres. Et, nos joues rouges de beauté, nous nous retournons pour admirer le panneau End couronnant le Partage de minuit sur l’écran orné de sperme et retournons chez nous dans la félicité de l’allégresse (et vis versa), ô trois petits points vers l’étendue du très haut...

Joie

15 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est fou le ramassis de connerie qui pe sortir de ta bouche

Hannibal Volkoff a dit…

C'est encore toi, la victime du sud ?
Comment vas-tu, chère victime ? Te sors-tu de ta dépression ?

E. D. a dit…

Tout à fait excellent ^^

La petite victime du Sud m'a l'air d'être à la fois profondément mauvaise et profondément imbécile. L'alliance de la nocivité et de l'idiotie a un précédent historique : Adolf Hitler.

Hannibal Volkoff a dit…

La référence à cette période de l'histoire est d'autant plus piquante qu'on sait que la petite victime est aussi un collabo, un traitre, une balance... Et le tout par faiblesse, comme souvent.

Anonyme a dit…

oui ?

Hannibal Volkoff a dit…

Nous nous connaissons, whitefolksgetscrunk ?

Anonyme a dit…

on vas pas tarder si on jour on se croise mon pit bonhomme

Hannibal Volkoff a dit…

Où donc se croiserait-on ? A la fête du slip ? Dans une cave de ta cité, entre deux sodomies ?

Anonyme a dit…

C'est qu'elle nous ferait presque peur, la petite victime, là, à nous montrer ses petits poings, brrrr ! :(

Autre a dit…

:) Et les effleurements équivoques s'envolent en sucres d'orge infiniment extatiques....

Sébastien Poutre a dit…

Ribambelles enthousiasmées en bonbons asymétriques ! Folles danses endiablées devant les miroirs infinis ; obstacles obstruants les temporalités indécises ! Boursoufflures idemmnes et lamentables cris ! Les échos mécaniques des illusions jolies s'évadent dans les champs blancs du rêve mathématique ! Mutilations amers des passés séquentiels, sérénades mielleuses des corps androgynes ! Rythmes enchevêtrés, syncopes antithétiques ! Je fais du Autre mais en mieux :D

Autre a dit…

Koike :D!

Hadrien a dit…

Quant à moi, je me contenterai de dire que j'ai aimé ce récit, jusqu'à "Et merde." La suite me semble de trop, le fantasme étant déjà bien présenté auparavant ; la joie évoquée à la fin n'est-elle pas déjà présente dans le coude qui ne bouge pas ?

Hannibal Volkoff a dit…

Non, oui, ou non. Je veux plus, tout, ici et maintenant.

A.-L.H. a dit…

Délicieux.

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